Le Parvis de Saint-Gilles est le coeur de cette commune dont le coeur balance entre population multiculturelle, artistique et populaire. Au pied de l’Eglise, c’est un spectacle continu que l’on peut observer, entre vestiges du passé toujours bien vivants et nouveautés.
Pour comprendre l’atmosphère particulière du parvis de Saint-Gilles, il faut se pencher un peu sur son histoire : un village à quelques pas d’une des portes de la ville de Bruxelles, une centaine d’habitations se trouvaient autour d’une église aujourd’hui disparue, remplacée par une seconde, détruite également avant de voir en 1866 le début de la construction de l’église actuelle.
L’église d’aujourd’hui est donc plus jeune que le marché qui s’y tient quotidiennement sur son parvis depuis …. 1865 !
1880 est une année importante pour le Parvis. Cette année-là, l’Eglise est solenellement consacrée et Louis Verschueren ouvre une brasserie, la Brasserie Verschueren, qui restera dans la famille jusqu’en 1986.
Le décor actuel du café date des années ‘30 et l’ensemble du bâtiment dans lequel elle se trouve est classé.
A l’époque de l’ouverture de la brasserie, la maison communale se trouvait également sur le parvis. Le bâtiment, devenu trop exigu pour les services communaux, abrite aujourd’hui un bureau de police et le tribunal de Justice de Paix, suite à la construction de l’Hôtel de Ville sur la Place Van Meenen, inauguré en 1904.
Une grande partie de la population Saint-Gilloise vient des Marolles, toutes proches. Le quartier garde, aujourd’hui encore, des vestiges de cette époque où le milieu ouvrier constituait le bastion de revendications sociales importantes... Si l’on se concentre sur le seul Parvis, c’est la Maison du Peuple qui, bien sûr, traverse notre esprit.. Inaugurée en 1906 pour accueillir les activités du Parti Ouvrier Belge local, elle a accueilli Lénine, en visite à Bruxelles et les premiers pas de Paul-Henri Spaak !
Saint-Gilles est également très vite devenue une commune accueillant les artistes, et la Maison du Peuple a évolué en même temps que cette modification sociologique, les décennies passant, le bâtiment a eu en son sein un cinéma, une compagnie de danse et même l’asbl Bulex, dans les années 90 ! Aujourd’hui, après des rénovations récentes, elle garde sa vocation culturelle dans les salles de l’étage et un café, plutôt branché, au rez-de-chaussée. Le Café de la Maison du Peuple et son immense terrasse est le cadre de DJ set et concerts en soirée, de brunchs familiaux le dimanche et de travailleurs nomades en journée !
Que l’on oublie pas, non plus, la grande époque de l’Union Saint-Gilloise au palmarès impressionnant depuis le début de son histoire et qui a vu ses supporters se réjouir à de très nombreuses reprises tant à la brasserie Verschueren, déjà citée, qu’à la Brasserie de l’Union.
Aujourd’hui, les deux cafés gardent les vestiges décoratifs de cette époque et sont encore le lieu de réunion de nouveaux supporters lors de coupes d’Europe ou de coupes du Monde. Mais les fidèles du club Saint-Gillois se réunissent à présent au Club House, à proximité du stade de foot forestois, fief du club.
Pour ceux qui se demandent pourquoi un club situé à Forest porte le nom de la commune de Saint-Gilles : les fondateurs du club tapaient sur une balle, jouant un nouveau sport amené par les Anglais, sur un terrain, situé Place Van Meenen... l’actuelle maison communale !
Ouvert plus récemment, le Libre’Air offre une atmosphère qui ressemble un peu à ces institutions.
Le temps passe et la démographie voit des modifications : aux ouvriers marolliens des débuts se sont succédés de nouvelles populations ouvrières, immigrées d’autres contrées : Espagnols, Portuguais, Marocains, Polonais et tant d’autres en fonction des époques et des actualités économiques et politiques des pays d’origine.
Le Parvis est un témoin de ces couches successives, il n’est qu’à se rendre au snack Les délices de Meknes, ou encore Lo Stivale
Sans même mentionner les nombreuses petites boutiques et autres restaurants du quartiers tenus par des ressortissants de nombreux autres pays, offrant ainsi un voyage à travers le monde autour du Parvis.
Les dernières adresses ouvertes sur le Parvis peuvent poser question aux nostalgiques d’hier... La gentrification, phénomène urbain de mutation des lieux et de ses habitants, est parfois perçu comme un danger du fait de la hausse des prix qui l’accompagne.
Les signes d’un certain embourgeoisement de la population du parvis de Saint-Gilles sont bien là : avec la chaîne Mamma Roma ou des adresses, par ailleurs fort sympathiques telles que le Bar à Gilles, et sa cave à vin ou Jardin, et ses jus de fruits et de légumes frais, ou encore Cha Man et ses thés chinois de toutes les couleurs... Avec ces trois adresses, on est bien loin de l’idée de boire “une bonne bière” au parvis.
Avec les Les Nourritures terrestres, c’est une adresse gourmande et saine, qui va de pair avec certains des commerçants à l’offre un peu plus bio, sur le marché.
Difficile de prédire de quoi demain sera fait. Jusqu’à présent le parvis de Saint-Gilles est toujours parvenu à garder un côté authentique et sympatique, malgré les modifications de sociétés depuis la fin du 19ème siècle, pour ne citer que son histoire récente.
Demain, c’est sans doute un nouveau chapitre qui s’ouvrira, remettant au centre du parvis des activités culturelles qui se font de plus en plus rares au milieu de ces nombreuses offres de boissons et de nourritures.
En effet, l’Aegidium, ce magnifique cinéma oublié, semble avoir trouvé un nouveau propriétaire qui a l’obligation de restaurer le lieu tant au niveau architectural que dans sa vocation de lieu culturel. Le lieu est un joyau architectural, aux décors variés qui mérite de retrouver vie.
C’est une affaire à suivre, mais nul doute que le Parvis, demain autant qu’hier, continuera à réjouir les Bruxellois quels que soient le jour et l’heure.
Yamina El Atlassi